Obama pourra donner autant de courageux discours qu’il voudra, l’Amérique ne sera jamais ce genre d’endroit où l’on parle de race. Ce sera toujours le genre d’endroit où l’on parle de la manière dont on ne peut pas parler de race… Je vais d’ailleurs y apporter mon grain de sel. Pourquoi ne pas inaugurer un talk show appelé «Le Racisme cette semaine». On évoquerait forcément dans ce programme la polémique autour de la couverture de Vogue.
Une histoire qui a fait perdre la tête, à la fin de la semaine passée, à beaucoup de personnes, même les plus sensées. Cette couverture montre LeBron James qui dribble d’une main et qui tient de l’autre Gisèle Bündchen. Lebron, c’est bien sûr la star de la NBA. Et Gisèle, c’est la top-modèle brésilienne. Il rugit. Il la tient par la taille. Il a l’air dix fois plus large qu’elle. Elle a l’air sous-alimentée, mais heureuse.
«C’est raciste!», se sont écriés les uns. «Comment ça, raciste, bandes de cinglés hyper susceptibles?», ont répondu les autres. Tous deux ne font que jouer leur propre rôle...
A moins que cette image ne vous rappelle un classique du cinéma de 1933. Un gorille géant saisit une jolie femme blanche et se met à grimper sur l’Empire State Building. C’est là le hic: dans ce scénario, LeBron James, c’est King-Kong et Gisèle Bündchen, c’est Fay Wray. Une conclusion facile à tirer. Lebron ne porte pas l’équipement des Cavaliers, son équipe – il porte un short et un tee-shirt sans manche noirs, anonymes. Elle porte une robe en soie coupée de biais qui n’est pas sans faire penser à celle de Fay Wray. Cette photo, prise par Annie Leibovitz, a rappelé à certains l’une des métaphores racistes les plus immondes: le noir singe.
Dans le film, King-Kong en pince pour Fay. Mais elle en fréquente, pour ainsi dire, un autre – le fringant aventurier blanc qui tente de la sauver. Même histoire dans le remake de Vogue. Gisèle sort déjà avec quelqu’un – le fringant quaterback Tom Brady (ndlt : un joueur de football américain). Non seulement il est blanc, mais dans l’esprit de nombre de supporters et de journalistes, c’est un trésor.
Vogue aurait pu choisir Tyra Banks, Alek Wek ou même Heidi Klum. Mais le choix s’est porté sur une femme qui, en plus d’être elle-même déjà très célèbre, est désormais la girlfriend de l’enfant prodige du sport américain. Quelqu’un dans ce magazine devait bien savoir ce qu’il faisait. La photo peut être inspirée de King-Kong, mais le récit qui va avec, c’est La Naissance d’une nation, le film de D.W. Griffith. Les hommes, enfermez vos femmes – LeBron rode dans les parages!
Rien que d’avoir écrit tout ça, je suis malade! C’est seulement en y regardant à deux fois à une caisse de supermarché que les connotations de cette couverture me sont apparues. Ce qui m’a frappé, ce n’est pas les stéréotypes en question mais sa puissance érotique. Il s’agit d’une photo chaude, et ce qui la rend sexy c’est plus la célébrité que la race. Gisèle n’a pas l’air terrifiée, mais euphorique. LeBron ne paraît pas fou et il ne ressemble pas à un singe: il a l’air triomphant. Vogue aurait pu mettre sur la couverture une photo moins agressive et moins suggestive. Mais quelconque. Sur les autres photos d’eux deux, ils ressemblent à de vieux amis. Finis le fun et l’érotisme de la une. Sur la couverture, la superstar et le top modèle dégagent une chimie surprenante, du genre de celles qui vous font sortir votre porte-monnaie et acheter le magazine.
Tom Brady va peut-être se faire mettre en boite au camp d’entraînement cet été, mais les taquineries risquent de venir autant du noir Randy Moss que du blanc Wes Welker. J’aimerais croire qu’après leur piteuse prestation au Superbowl il y a quelques mois, les Patriots ont des soucis plus urgents. Idem pour les noirs. Pour ma part, j’en ai marre du racisme. Je suis à bout. Il y a eu le scandale suite aux problèmes qu’a eu Obama avec Jeremiah Wright. Et puis il y a eu aussi l’incroyable transformation de Bill Clinton, de «premier président noir» (ndlt : comme l’avait qualifié en 1998 l’écrivain noire-américaine Toni Morrison) en Karl Rove. Je n’ai plus le courage de me battre. Vogue est coupable d’avoir joué avec cette allusion, mais nous, nous sommes coupables d’en être devenus cinglés. L’hystérie raciale est un vieux démon. Peut-être tellement vieux que, finalement, c’est avant-gardiste – très Vogue!
Par Wesley Morris
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Une histoire qui a fait perdre la tête, à la fin de la semaine passée, à beaucoup de personnes, même les plus sensées. Cette couverture montre LeBron James qui dribble d’une main et qui tient de l’autre Gisèle Bündchen. Lebron, c’est bien sûr la star de la NBA. Et Gisèle, c’est la top-modèle brésilienne. Il rugit. Il la tient par la taille. Il a l’air dix fois plus large qu’elle. Elle a l’air sous-alimentée, mais heureuse.
«C’est raciste!», se sont écriés les uns. «Comment ça, raciste, bandes de cinglés hyper susceptibles?», ont répondu les autres. Tous deux ne font que jouer leur propre rôle...
A moins que cette image ne vous rappelle un classique du cinéma de 1933. Un gorille géant saisit une jolie femme blanche et se met à grimper sur l’Empire State Building. C’est là le hic: dans ce scénario, LeBron James, c’est King-Kong et Gisèle Bündchen, c’est Fay Wray. Une conclusion facile à tirer. Lebron ne porte pas l’équipement des Cavaliers, son équipe – il porte un short et un tee-shirt sans manche noirs, anonymes. Elle porte une robe en soie coupée de biais qui n’est pas sans faire penser à celle de Fay Wray. Cette photo, prise par Annie Leibovitz, a rappelé à certains l’une des métaphores racistes les plus immondes: le noir singe.
Dans le film, King-Kong en pince pour Fay. Mais elle en fréquente, pour ainsi dire, un autre – le fringant aventurier blanc qui tente de la sauver. Même histoire dans le remake de Vogue. Gisèle sort déjà avec quelqu’un – le fringant quaterback Tom Brady (ndlt : un joueur de football américain). Non seulement il est blanc, mais dans l’esprit de nombre de supporters et de journalistes, c’est un trésor.
Vogue aurait pu choisir Tyra Banks, Alek Wek ou même Heidi Klum. Mais le choix s’est porté sur une femme qui, en plus d’être elle-même déjà très célèbre, est désormais la girlfriend de l’enfant prodige du sport américain. Quelqu’un dans ce magazine devait bien savoir ce qu’il faisait. La photo peut être inspirée de King-Kong, mais le récit qui va avec, c’est La Naissance d’une nation, le film de D.W. Griffith. Les hommes, enfermez vos femmes – LeBron rode dans les parages!
Rien que d’avoir écrit tout ça, je suis malade! C’est seulement en y regardant à deux fois à une caisse de supermarché que les connotations de cette couverture me sont apparues. Ce qui m’a frappé, ce n’est pas les stéréotypes en question mais sa puissance érotique. Il s’agit d’une photo chaude, et ce qui la rend sexy c’est plus la célébrité que la race. Gisèle n’a pas l’air terrifiée, mais euphorique. LeBron ne paraît pas fou et il ne ressemble pas à un singe: il a l’air triomphant. Vogue aurait pu mettre sur la couverture une photo moins agressive et moins suggestive. Mais quelconque. Sur les autres photos d’eux deux, ils ressemblent à de vieux amis. Finis le fun et l’érotisme de la une. Sur la couverture, la superstar et le top modèle dégagent une chimie surprenante, du genre de celles qui vous font sortir votre porte-monnaie et acheter le magazine.
Tom Brady va peut-être se faire mettre en boite au camp d’entraînement cet été, mais les taquineries risquent de venir autant du noir Randy Moss que du blanc Wes Welker. J’aimerais croire qu’après leur piteuse prestation au Superbowl il y a quelques mois, les Patriots ont des soucis plus urgents. Idem pour les noirs. Pour ma part, j’en ai marre du racisme. Je suis à bout. Il y a eu le scandale suite aux problèmes qu’a eu Obama avec Jeremiah Wright. Et puis il y a eu aussi l’incroyable transformation de Bill Clinton, de «premier président noir» (ndlt : comme l’avait qualifié en 1998 l’écrivain noire-américaine Toni Morrison) en Karl Rove. Je n’ai plus le courage de me battre. Vogue est coupable d’avoir joué avec cette allusion, mais nous, nous sommes coupables d’en être devenus cinglés. L’hystérie raciale est un vieux démon. Peut-être tellement vieux que, finalement, c’est avant-gardiste – très Vogue!
Par Wesley Morris
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